Spontanément, comment finiriez-vous cette phrase ? avez-vous encore vos grands classiques en mémoire ?

Si j’avais été à votre place, j’aurais volontiers répondu « dessine-moi un mouton ». Et pourtant, aujourd’hui, c’est une phrase tout aussi fréquemment entendue que je vous dirai. Elle marque cependant moins les esprits mais a tout autant de sens et d’importance : « Dessine-moi un ….. bonhomme ».

Le dessin du bonhomme est un thème récurent demandé à nos enfants en maternelle. Il évoque souvent de façon implicite pour les adultes la réussite de l’enfant et la connaissance que celui-ci a de son corps, et plus précisément de son schéma corporel.

Mais concrètement qu’est-ce que le schéma corporel ? Et surtout à quoi sert de dessiner un bonhomme ou plutôt d’apprendre à le dessiner ? Pourquoi ce geste représente tant d’importance aux yeux des grands ?

J’accompagne de nombreux parents qui me disent être en désaccord avec l’enseignant de leur enfant. Souvent dans un contexte de difficultés scolaires ou comportementales, l’enseignant dit au parent que leur enfant ne sait pas dessiner un bonhomme, qu’il est pauvre malgré les tentatives d’apprentissages. Les parents, pour leur part, soutiennent qu’à la maison, l’enfant peut faire de jolis bonhommes, ou tout au moins un bonhomme au graphisme relativement soigné. Dans ce contexte parfois conflictuel, la question se pose de « qui a tort et qui a raison » et parfois un bras de fer s’engage créant incompréhension et conflit.

J’explique ainsi aux parents que ce n’est ni l’un, ni l’autre. En effet, le schéma corporel est une notion très anatomique de la connaissance de son corps par l’enfant. L’enfant apprend à localiser les différentes parties de son corps, comment elles se nomment et comment elles s’organisent les unes par rapport aux autres.

Or, le dessin, qu’il soit du bonhomme ou autre, présente une dimension plus affective que l’enfant a de lui. Il témoigne de l’image du corps de l’enfant. Nous parlerons d’image inconsciente du corps dans le sens où l’enfant ne dessine pas consciemment l’image qu’il a de lui-même. Ce dessin représente inconsciemment comment il voit son corps, quelle estime il a de lui-même. Il vient aussi mettre en évidence la confiance et l’image plus ou moins positive que l’enfant a de lui. Cette image est évolutive et peut-être fluctuante dans le temps.

Ainsi, le dessin du bonhomme pourra être identique dans tous les lieux d’évolution de l’enfant, ou bien il changera en fonction des espaces.

Par exemple, si le milieu familial est un espace sécure et rassurant pour l’enfant, le dessin du bonhomme pourra être soigné et élaboré. Il pourra perdre en qualité à l’école, selon que l’enfant se sente plus insécurisé ou en difficulté. L’apprentissages du dessin n’a de ce fait que peu d’intérêt dans le développement de l’enfant. Ainsi, un enfant en difficulté dont l’entourage apprend à dessiner un bonhomme, pourra retranscrire un dessin très plaqué, qui n’évoluera pas ou peu dans le temps ; où bien ne reproduira pas ce dessin par la suite à la maison, à l’école ou ailleurs, à moins que l’adulte lui dicte les éléments du corps à ne pas oublier.

Pour le voir évoluer, l’entourage de l’enfant jouera un rôle important. La sécurité et la réassurance affective apportée par l’adulte permettront à l’enfant de gagner en confiance. L’encourager dans les expériences qu’il peut faire et le rassurer quand il est confronté au sentiment d’échec contribuera à l’intégration par l’enfant, d’une image du corps de qualité. Prendre le temps de le bercer, le masser, jouer avec lui, manipuler la matière pour favoriser l’expression seront des temps importants pour votre enfant et pour vous-même. Mettez aussi à disposition de votre enfant, des feuilles, de la peinture, un tableau effaçable afin que l’enfant puisse s’exprimer librement, du gribouillis au figuratif. Toujours valoriser les productions qui sont d’abord et avant tout un geste que l’enfant fait pour communiquer aux autres sur lui-même. Dénigrer les productions de votre enfant, c’est faire atteinte à l’image qu’il a de lui et son envie de communiquer.

Pour un enfant qui passe difficilement au dessin, le support effaçable (tableau, sable, peinture…) permet de faire l’expérience de la trace en évitant de l’encrer dans le temps de façon indélébile.

Dans un prochain article, j’aborderai le dessin de ce bonhomme avec plus de précision. Nous aborderons aussi le schéma corporel et les jeux à faire pour en aider la structuration.